IRCP
Institut des Récifs Coralliens du Pacifique
EPHE

L’acoustique, thérapeute des AMP : Ecouter le récif corallien pour connaître son état de santé.

Les récifs coralliens sont parmi les écosystèmes (marin et terrestre confondus) les plus variés et complexes au monde. Pourtant, ils ne comptent que 2,1% d’espaces préservés par des Aires Marines Protégées (AMP). Face aux changements globaux rapides il est essentiel d’établir des AMP dans les récifs coralliens bénéficiant d’outils de gestion capables de mesurer rapidement et sur une grande échelle spatiale la vitesse de dégradation et/ou la capacité de résilience de l’environnement protégé.

C’est dans ce contexte qu’est née une étude réalisée par des chercheurs du CRIOBE (Centre de Recherche Insulaire et Observatoire de l’Environnement, USR 3278 EPHE-CNRS-UPVD)  et de l’université de Liège sur l’île de Moorea, l’île de Polynésie française la plus étudiée au Monde. Leur questionnement était le suivant : peut-on utiliser l’acoustique sous-marine pour déterminer la biodiversité d’un environnement ?  Dans le milieu terrestre des études ont démontré que les forêts dégradées présentaient un « paysage acoustique » moins varié du fait de communautés animales modifiées. Peut-on appliquer ce concept de « paysage acoustique » au milieu marin ? Et si oui, peut-il nous apporter des renseignements sur la santé des récifs coralliens ?

Frédéric Bertucci, qui a mené cette étude dans le cadre de son post-doctorat au CRIOBE (grâce à un Financement de la Fondation Total) décrypte: « Des études récentes ont permis la description sonore de différents environnements marins à travers le monde. A Moorea, nous avons par exemple fourni les signatures acoustiques de différents types d’habitats du lagon depuis la crête récifale jusqu’à la côte. Le problème restait d’appliquer ce concept à un même type d’habitat, mais pouvant avoir des états différents, plus ou moins dégradés. Les différences devraient être plus subtiles mais si elles existent, et qu’elles sont liées à l’état de santé du milieu, alors l’acoustique pourrait être utilisée sur le long terme dans un effort de suivi et de conservation ». Pour écouter le récif corallien de Moorea, les chercheurs ont placé des hydrophones à différents endroits sur la pente externe de l’île, la moitié des instruments dans des AMP, l’autre moitié dans des zones non protégées. Le suivi qui a duré 4 mois, a démontré qu’un récif avec un fort recouvrement corallien possède une activité sonore plus grande qu’un récif dégradé. De même, les sites ayant une plus grande biodiversité produisent un paysage acoustique plus varié.

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Mise en place d’un micro par un apnéiste, sur la côté est de Moorea

Cette recherche ouvre une nouvelle voie d’observation du milieu sous-marin, combinant deux éléments clés (niveau et complexité acoustique) et démontre deux choses : oui, l’acoustique sous-marine permet de déterminer l’état d’un environnement. Et oui, les Aires Marines Protégées de Moorea sont efficaces ! En effet, le suivi, effectué dans quatre AMP de l’île et quatre zones non protégées, a clairement permis de différencier les deux. Les AMP de Moorea présentant une plus haute biodiversité grâce à leur paysage corallien en bonne santé étaient les zones les plus bruyantes. L’avenir du suivi acoustique dans le milieu corallien semble donc prometteur !

L’ensemble de ces recherches a fait l’objet d’une publication scientifique dans la revue Scientific Report : Bertucci, F. et al. Acoustic indices provide information on the status of coral reefs: an example from Moorea Island in the South Pacific. Sci. Rep. 6, 33326; doi: 10.1038/srep33326 (2016).

CONTACTS SCIENTIFIQUES

Frédéric BERTUCCI (Perpignan, France) :
Tel: +33 6 64 35 36 31 | email: fred.bertucci@gmail.com

David LECCHINI (Moorea, Polynésie française) :
Tel: +689 40 56 13 45 | email: lecchini@univ-perp.fr

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