Le poisson coffre en a… du coffre !
La communication acoustique des poissons tient une place très importante au sein des écosystèmes coralliens où différentes espèces de poissons produisent des sons spécifiques au moment de la reproduction, de la ponte ou en cas d’affrontement entre individus. Compte tenu de l’importante population d’espèces capables d’utiliser le canal acoustique, différents scientifiques anglo-saxons surnomment maintenant ce milieu le « choral reef », passant ainsi du récif corallien au « récif chorale » pour souligner la présence de chants à plusieurs voix.
Les poissons coffre ne sont pas en reste quand il s’agit de faire du bruit ! Ces poissons vivant dans les eaux chaudes tropicales sont connus pour leurs couleurs vives et surtout leur forme carrée atypique. De vrais coffres ! Leur corps est presque entièrement enveloppé dans une coquille osseuse formée de larges écailles très épaisses, généralement de forme hexagonale et fermement suturées les unes aux autres. Cette forme cubique revêt en plus quelques particularités de carénage favorisant l’équilibre du corps lors des déplacements. Ces caractéristiques auraient d’ailleurs inspiré un célèbre constructeur automobile pour développer une génération de véhicules ayant une meilleure tenue de route.
Mais ce corps est également l’outil vocal de ce poisson ! Une étude scientifique récente1, menée entre autres par des chercheurs de l’Université de Liège en Belgique et de l’IRCP-Criobe en Polynésie française, a mis en évidence pour la première fois la capacité du poisson coffre à produire deux sons simultanément en utilisant un système complexe. Son mécanisme sonore utilise une vessie natatoire (organe qui aide à la flottabilité des poissons) en forme de T sur laquelle viennent s’ancrer deux muscles disposés perpendiculairement l’un à l’autre (les muscles longitudinaux en saumon et les muscles transversaux en vert sur le dessin ci-dessous).
Le poisson coffre produit donc deux sons en même temps : des longs trains d’impulsions de faible amplitudes sonores qui font penser à un bourdonnement (« hum ») entrecoupés par des pulsations isolées et éparses (« clic ») mais d’une amplitude 10 à 40 fois supérieures. Les chercheurs font ici l’hypothèse que le poisson contracte une paire de muscles pour produite les « hums » et pourrait simultanément contracter l’autre paire de muscles pour créer le « clic ».
Vocalises de poissons coffres jaune (Ostracion cubitus) et pintade (Ostracion meleagris). On y distingue le long trais de « hums » ponctué de « clics »
On savait le poisson coffre capable d’émettre trois types de son différents : des « hums » pendant l’accouplement, des « bumps » en cas de compétition entre mâles et des « buzz » pour les autres types de confrontation entre individus (attaque ou fuite par exemple). Cette étude ajoute un nouveau son et démontre la possibilité de combinaison entre les sons qui semble être unique ! Cette complexité de l’outil de communication acoustique, à la fois par sa structure et par le répertoire sonore qu’il peut engendrer, appuie l’hypothèse que ce mode de communication doit avoir une fonction essentielle dans le mode de vie du poisson coffre.